Camille de Longchamps

D’aussi loin que remontent les souvenirs de Camille, elle a toujours vécu parmi des hommes. Sa mère mourut alors qu’elle n’avait que trois ans, en donnant naissance à son plus jeune frère. Cadette d’une fratrie de cinq enfants, dont quatre garçons, elle a passé son enfance à jouer avec ses frères, apprenant à manier l’épée en même temps qu’eux, possédant son propre cheval et récoltant son lot de bosses et de bleus au lieu d’apprendre à broder et à tenir une maison, comme toute jeune fille destinée à se marier le devrait. Oh, son père essaya bien de l’amener dans cette voix, mais devant la résistance farouche de Camille, il abandonna bien vite. La petite lui rappelait grandement son épouse défunte, et il avait beaucoup de mal à lui refusait ce qu’elle voulait. Camille n’en était pourtant pas une enfant capricieuse : elle ne profitait pas de la "faiblesse" de son père en lui demandant tout et n’importe quoi. Non : elle demanda simplement à être traitée comme ses frères, comme si elle-même était un garçon. Et le fut, se révélant être à la hauteur de ce qu’on attendait d’elle.

Ainsi, les années passèrent, et lorsque vint le moment de lui trouver un époux, Camille s’éleva contre cette idée. Elle n’avait pas envie de devenir la femme d’un quelconque seigneur, obligée de passer le reste de ses jours à enfanter et à broder à l’ombre d’une fenêtre, se languissant de ses jeunes années. Pourtant, son père resta intransigeant : il ne voyait pas quel avenir pourrait avoir sa fille si elle continuait dans cette voie. Personne ne voudrait d’elle en tant qu’écuyer. Personne ne voudrait d’elle tout court. Elle serait déjà assez chanceuse si un homme voulait d’elle comme épouse. Ne pouvant cette fois rien faire pour faire changer d’avis son père, elle arriva quand même à lui faire accepter ses conditions : celui qui l’épouserait serait simplement celui qui gagnerait un duel à l’épée contre elle.

Dans les mois qui suivirent cette "annonce", de nombreux prétendant se présentèrent chez eux mais, les uns après les autres, Camille les battit et ils repartirent chez eux, la tête basse, humilié d’avoir perdu contre une femme. Le style de combat de la jeune fille n’était pas exceptionnel. Mais sa petite taille et sa souplesse en faisaient d’elle un adversaire redoutable, tout comme ses prises de risques parfois inconsidérées. Elle mettait un point d’honneur à terminer ces duels rapidement, car elle savait parfaitement que, sur une longue durée, elle finirait sans aucun doute par s’essouffler plus rapidement que les hommes. Les prétendants se firent moins nombreux et, alors que ses frères commencèrent à être envoyés ici et là pour parfaire leur éducation, et entrer au service d’un seigneur plus haut placé qu’eux, Camille resta au domaine familial, en compagnie de son frère ainé.

Au bout de quelques années de paix relative, plus aucun homme ne s’intéressant finalement à elle, la préparation d’une autre croisade fut annoncée, et son frère ainé fut ainsi choisi pour y participer, leur père ayant été jugé trop vieux pour un tel voyage.